Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/515

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étaient indifférentes aux écouteurs ; et ils ne percevaient pas l’appel muet et pressant qui leur était fait :

— « Montre-nous le chemin, le chemin droit où marcher !… »

Annette l’entendit, comme si cet appel, c’était elle-même qui le jetait ; et puisque personne n’y répondait, elle se leva, elle fut forcée, il lui fallait le redire tout haut et y répondre, — ainsi que fait, dans le drame antique, la coryphée.

Le son de sa voix, aux premiers mots, l’étonna ; la voix lui revenait, comme d’une autre qui la dépassait, d’un autre moi grossi des flots de l’assemblée. Mais presque aussitôt, elle réalisa cette fusion de celui qui parle avec la foule, qui fait la force de l’orateur-né. Elle n’avait pourtant rien dans sa façon qui eût affaire à l’éloquence. Elle agissait par son absolue simplicité et par son calme, qui prêtait un relief à la hardiesse de la raison. Ce calme inspirait aux auditeurs une confiance exaltante en eux et en la cause qu’ils défendaient. Elle devint promptement populaire. Elle sentait, dans ces assemblées, que son fils était auprès d’elle. Et il l’était, aux yeux de beaucoup de ceux qui l’écoutaient : car on sut vite l’histoire de Marc ; et elle devint légendaire. On voyait ensemble le fils et la mère.

Elle contribua, par sa netteté, par son esprit de femme, simplificateur et pratique, à opérer un reclassement, nécessaire, des partis. Indifférente aux étiquettes et au formalisme bureaucratique, elle obligeait ceux des deux Internationales, sœurs et ennemies, à se compter sur le terrain de l’action. On discuterait plus tard la théorie ! La véritable ligne de démarcation entre les partis est entre ceux qui veulent et ceux qui ne veulent pas agir. Tous les prétextes idéologiques pour ne pas agir, sont des masques. La main de la femme les