Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/531

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— « Si tu fais ce que tu peux, c’est trop peu ! Il faut faire, à chaque fois, un peu plus que tu ne peux. Le plaisir est bon à téter — je ne dis pas ! — mais c’est à la portée de chaque veau. Le meilleur, le vrai bon, c’est quand on commence à mâcher sa peine. Rien ne vaut ce goût sur la langue. Lèche ta sueur !… Un peu de trop. Mais pas trop ! Le trop du trop serait d’un sot. Ni sot, ni veau… Allons ! vas-y !… Encore ! encore !… Stop !… Veille à la casse !… On ira plus loin, demain… »

À ce jeu-là, les quatre pattes et la cage du petit gars se bronzèrent. — L’esprit n’y perdait rien. George lui enseignait la même gymnastique de l’effort. La fille de Julien dextrement maniait l’arc de l’intelligence. Les problèmes abstraits de la science, sous ses doigts agiles, si simplement se dénouaient que les doigts prestes du petit singe refaisaient, de point en point, les mêmes mouvements, sans se douter de la difficulté. Les doigts de l’esprit devançaient la pensée ; l’instinct résolvait le problème, avant d’avoir raisonné « comment ». C’est le bon chemin, la ligne droite : le « comment » viendra après, — après qu’on sera arrivé. Si on attendait, pour partir, qu’il fût prêt, le jour — la vie — y passerait ! Marche toujours ! « Comment » finira bien par nous rattraper… George communiquait à Jean son intuition de l’esprit et de la main. La raisonner était ensuite une belle charade, qu’on s’amusait à résoudre, au repos, le soir. Mais dans le jour, voir et agir ! Voir pour agir. Les deux mouvements n’en font qu’un, si l’on est sain. Nous aurons le temps de comprendre ! … Comprendre ? Comme si le regard et la main, du premier coup, n’avaient point compris ! Il n’est pas besoin de mots pour penser. Mais quand l’heure était venue pour les mots, ni George, ni Jean n’en étaient pauvres. Ils n’avaient point la langue