Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/575

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elle n’était pas du tout sûre qu’il existât. Cela ne la tourmentait pas. Elle ne s’était pas donné la peine de faire le jour dans son incertitude de gamine de Paris, où un voltairianisme populaire se mariait à la foi du charbonnier. Elle se trouvait bien de cet état. Annette se gardait de la troubler. Seule à seule, les deux sœurs se comprenaient si bien ! Et c’était l’essentiel, pour toutes deux. Le reste, au fond, avait si peu d’importance ! … Non pas : — « Que sais-je ? » Mais : — « Que savons-nous ? »

— « Crois, si tu veux, si ça te fait du bien ! Et doute aussi, ça ne fait pas de mal !… Même s’il y avait quelqu’un là-haut, quel tort est-ce que ça pourrait lui faire ? Il est assez malin pour comprendre. Il rira bonnement avec nous… (comme tu fais, Nanette !…) Credo… « Je crois… » S’il y tient !… Je n’ai rien à lui refuser… Seigneur, entrez ! Je laisse la clef sur la porte, et j’ai confiance, je m’endors… Si, dans ma nuit, n’entre personne, eh bien, Nanon, je dormirai… Fait bon dormir, fait bon aimer… Et tout m’est bon… Non moi, mais vous, Seigneur, choisissez !… »

Ce fut le soir de ce jour qui fut choisi.

Sylvie, quoi qu’on eût dit, n’avait fait que remuer, toute l’après-midi. Encore à cette heure, au lieu d’aller s’étendre, elle restait sur ses jambes, appuyée à la rampe de la fenêtre. Elle aspirait, penchée, l’odeur de son Paris, la poussière et le bruit, le goudron entre les pavés de bois, les derniers rayons de soleil qui chauffaient son visage, et, du jardin voisin, des grappes d’acacias. Elle bourdonnait un chant. Elle fit un :

— « Ha !… » très doux qui semblait une note dans son chant. Annette, levant les yeux, vit sa sœur s’affaisser. Elle s’élança, juste à temps pour la recevoir dans ses bras. Elle-même, affaiblie, mal d’aplomb, chancela