Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/577

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Avec Sylvie, ce fut Marc, une fois de plus, qui mourut. Ce fut bien plus : ce fut Annette — quarante ans de vie. Le dernier témoin de tous nos jours est parti. Lui disparu, sommes-nous bien sûrs qu’ils ont été ?… Oui, il y a l’enfant — l’enfant de l’enfant — chair de ma chair — le fruit de la mer, que la mer, en se retirant, a laissé sur le rivage… Mais où est la mer ? Où suis-je, moi ?… Le grondement lointain de l’océan… La plage est vide. Le sable est lisse. Le vent salé passe, maître de l’espace… Il est porteur d’une terrible ivresse, qu’il est séant de dissimuler…

Un ami japonais m’a conté qu’à Tokio, rencontrant, au lendemain du tremblement de terre, un ami qui y avait, ainsi que le comte Chiarenza, perdu corps et biens, tout ce qu’il avait, tous les siens, il lui en exprima sa pitié. L’autre eut un sourire étrange, et dit : — « Oh ! on se sent si allégé !… »

Tout le manteau de la vie est tombé. On reste nu. Mais qui, ce : « On » ?… Bruno dirait le mot mystique de l’Inde : « Om »… Le Tout, le Rien, qui sont peut-être les deux faces de l’Un…

Mais quel qu’il soit, ou rien, ou tout, il est le maître de l’espace, il est le vent salé qui passe. Et plus on est