Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/603

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Elle pourrait aussi nombrer dans sa bande un fils adoptif : Silvio Moroni, celui pour qui son fils a été tué. Le père n’a gagné, au sacrifice de Marc, que quelques mois de vie ; l’acharnement de ses ennemis l’a « eu » : on l’a trouvé assassiné dans son lit. Mais Silvio, déporté aux îles, a réussi à s’évader dans une barque, que la tempête a jetée contre la Corse. Il est venu à Paris, où il a retrouvé les bannis, les irréconciliables, de l’antifascisme, mais sans pouvoir se mêler à leurs partis : il est une âme de poète, nourrie des grands songes de la Grèce et de l’idéalisme romantique ; la politique lui répugne ; il n’a point peur du combat ; son jeune cœur brûle de s’y sacrifier ; mais celui auquel il aspire est un combat dans les nuées, comme les dieux d’Homère, — mieux : au-dessus, dans la lumière, comme les Icare. Son idéologie, trop littéraire, fait sourire les jeunes hommes d’après-guerre, les « réalistes » ; mais aucun d’eux n’est disposé à mettre au service des « réalités » dangereuses un dévouement plus entier qu’au service de sa « littérature » l’intransigeance passionnée du jeune Shelley italien. Il ne s’accommode point de l’atmosphère de discussions et de soupçons, de divisions âpres et fielleuses, ou de poisseux compromis, dans les