Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/640

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d’Annette le tintement lointain de celles qui sonnaient, dans sa petite enfance, son anniversaire, — et les images de fresques florentines, qu’elle regardait, au bras de Marc. Le ciel d’été avait, autour des bois de Meudon, la clarté mate de ces « tondi » [1] de Pérugin, où se détachent sur fond d’argent les silhouettes fines et fières des jeunes arbres, comme des jeunes gens. George et Vania étaient encore partis en course, pour tout le jour. Annette resta seule jusqu’au soir. Elle caressait entre ses doigts la boucle de cheveux châtains. L’étrange offrande ! On eût dit de la bête offerte au temple. Elle bénit le front d’où la boucle avait été prélevée.

Elle éprouvait dans le bras gauche et la poitrine une pesanteur, qui lui causait une angoisse vague. Elle n’en ignorait pas la cause. Mais elle voulut profiter de ce que ses enfants étaient absents, pour faire dans la maison quelques rangements. Quand ils étaient là, ils s’instituaient ses mentors sévères ; George, avertie par le docteur Villard, lui défendait de se fatiguer. Annette, en général, était docile. Il y a une douceur, quand on est vieux, à se laisser morigéner par des jeunes qui vous aiment. Mais à leur désobéir, quand on le peut, on a toujours, quel que soit l’âge, un plaisir malicieux d’écolier…

Annette s’en donna, de n’être pas surveillée ! Après avoir bien remué tous ses tiroirs et ses armoires, après avoir monté et descendu son escalier, cinq ou six fois, de la cave au grenier, — quand elle était déjà bien lasse, elle voulut faire le tour de son jardin, inspectant tout, se baissant pour nettoyer et caresser ses plantes préférées, tâter le sol, et, quand elle le trouvait sec, faisant voyage entre la pompe et les petites assoiffées.

  1. Tableaux ronds.