Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/647

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regard de vieux athlète, habitué du ring, qui lit d’avance les péripéties du combat, jugea qu’il était inutile de tourmenter celle qui luttait dans sa nuit : la partie était perdue. Il lui eût plutôt raccourci le chemin, comme il le ferait pour lui, quand il se verrait ainsi vaincu. Mais Annette avait refusé son offre, quand, par avance, il la lui avait faite : elle interdisait qu’on disposât de sa volonté, tant qu’il lui resterait une goutte de vie, — cette goutte fût-elle une mer brûlante de souffrance…

— « Je ne permets point qu’on interrompe le combat. Mien est le combat. Laissez-moi seule !… »

Il la laissa. Sa grande main, aux doigts de fer, qui savaient être de velours, prit, sous les draps, les pieds d’Annette, déjà froids, et les serra avec tendresse…

— « Reposez-vous !… Adieu, Annette… »

La nuit suivante, un avion s’abattit près de Meudon. Un oiseau fiévreux frappa aux vitres. George ouvrit… Assia… Elle arrivait à tire-d’aile. Le télégramme l’avait atteinte dans la ville Scandinave, où elle était en mission. Elle était partie sur-le-champ. Peu lui importait ce qu’elle risquait, — et des deux parts : elle était, en France, à peu près sûre d’être arrêtée et expulsée ; et le Parti ne lui pardonnerait pas de compromettre, pour un caprice ou une passion, son caractère officiel ou officieux. Mais l’individualisme a beau se mettre sincèrement en service commandé : rien ne brise ses brusques élans, et nul ne peut — même lui — les prévoir. L’acte avait, chez Assia, devancé les réflexions. Elle ne les retrouva qu’une fois installée au chevet de la mourante. Advienne que pourra ! Elle avait tenu parole…

— « Mère, je suis là. Je t’accompagne jusqu’au tournant… »