Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/78

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était fermée, un instinct mauvais poussait Assia à attiser ces soupçons. Elle prolongeait ses absences de la maison, plus que de raison. Elle y avait reçu des camarades de rencontre, des Russes de la Représentation Commerciale, dont la familiarité et les bavardages avec Assia dans cette langue que Marc ne pouvait comprendre, avaient causé à Marc une irritation stupide ; dans une altercation qui avait suivi, il avait été jusqu’à interdire à Assia de recevoir ces hôtes dans sa maison : (à peine l’avait-il dit, qu’il s’avouait outrepasser ses droits.) Le résultat avait été que Assia recevait ses camarades, hors de chez elle. Et les soupçons ne s’en portaient que mieux. Assia se reconnaissait non moins stupide de les avoir provoqués, pour le plaisir de mater Marc et d’affirmer son indépendance. De ce train-là, ils allaient tout droit à la catastrophe : elle était assez expérimentée pour le prévoir. Ils étaient fous… Holà, holà !… Stop !…

Elle se leva, bien décidée à remettre les choses au point. Si Marc était un méchant gosse aux yeux fous, c’était à elle de le ramener maternellement au bon sens. Au fond de son cœur, il était encore plus son petit que son mari ; et le meilleur de la réserve d’amour disponible était inscrit au compte du petit. — Mais quand elle ouvrit la porte de la chambre où Marc avait passé la nuit, elle ne l’y trouva plus. Il était sorti de la maison, sans laisser un mot. Assia en ressentit du dépit ; et, comme une chandelle que l’on souffle, ses bonnes dispositions s’éteignirent. Elle s’obligea pourtant à l’attendre — (peut-être afin qu’il fût davantage dans son tort). Elle renonça à aller travailler, comme d’habitude, à son bureau. Elle n’en avouait aucun regret, bien que ce fût la dernière occasion de revoir Djanelidze avant son départ. Mais peut-être cette pensée l’incita-t-elle à n’y point aller, afin de se prou-