Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/97

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choix, les yeux fermés : que lui importait celui-ci ou celui-là ? Elle n’avait pas les sens délicats ; et le dégoût qu’elle nourrissait, en ces jours, pour elle, pour Marc, pour tous les hommes, ne distinguait pas entre le plus et le moins : toute la vie est vomissure. Plus que ses sens, son esprit était révolté par l’idiotie de l’aventure. Non pas la sienne (un accident sordide et insignifiant, comme une éclaboussure de la rue), mais toute l’imbécile Aventure, sans suite, ni sens, de la vie. Et cependant, cette Aventure qu’elle méprisait, Assia n’était pas femme à la rejeter, à moitié chemin : quelle qu’elle fût, Assia la mènerait jusqu’au bout…

Elle se trouvait par hasard dans son taudis (elle n’y restait guère que pour dormir), lorsque Annette heurta à la porte. Assia ne témoigna aucun plaisir de la visite. Elle avait son bonnet sur la tête. Elle était prête à sortir, elle n’offrit pas l’unique chaise, encombrée de ses effets. La chambre sale, non balayée, le lit non fait, la table de nuit crasseuse, entr’ouverte, un pêle-mêle d’objets épars de tous côtés, témoignaient d’une indifférence accablante à tous les égards matériels et sociaux. Annette en eut la gorge serrée. Sans un bonjour, sans vouloir voir sa main tendue, Assia recula, pour qu’elle entrât et, appuyée des mains et de la croupe sur la table boiteuse, elle fixait la visiteuse d’un regard torve, fronçant les sourcils. Annette fut, un instant, déconcertée. Les mots de sympathie gelaient sur la langue.

Assia lui dit :

— « Vous êtes contente ? »

Elle eut un cri :

— « Assia ! »

— « Quoi ? » reprit l’autre. « Est-ce que tout ne s’est pas passé, comme vous l’attendiez ? »

Elle tendit les bras :

— « Ma fille ! »