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XIX

Vox Clamantis…

Jeremias, poème dramatique[1] de STEFAN ZWEIG


Après la stupeur glacée des premiers temps de la guerre, l’art mutilé reverdit. Le chant irrésistible de l’âme jaillit de sa souffrance. L’homme n’est pas seulement, comme il s’en vante, un animal qui raisonne (ou plutôt, déraisonne) ; il est un animal qui chante ; il ne peut pas plus se passer de chant que de pain. L’épreuve actuelle le montre. Bien que le manque général de liberté en Europe nous prive sans doute des plus profondes musiques, des confessions les plus vraies, nous entendons déjà par tous les pays de grandes voix. Les unes, venues des armées, nous disent la lugubre épopée : — tels, Le Feu de Henri Barbusse et les déchirantes nouvelles de Andreas Latzko : Menschen im Krieg. D’autres expriment la douleur et l’horreur de ceux qui, restés à l’arrière, assistent à la tuerie sans y prendre part, et qui, n’agissant pas, sont d’autant plus livrés aux tourments de la pensée : — ainsi, les poèmes passionnés de Marcel Martinet (Les Temps maudits)[2] et de P. J.

  1. Stefan Zweig : Jeremias, « eine dramatische Dichtung in 9 Bildern » — Insel-Verlag, Leipzig, 1917.
  2. Édit. de la revue Demain, Genève.