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LES PRÉCURSEURS

Jérémie et Baruch paraissent sur les remparts. Jérémie se penche et regarde. Tout ce qu’il voit maintenant, ces feux, ces tentes innombrables, cette première nuit de siège, il l’a déjà rêvé. Pas une étoile au ciel qu’il n’ait vue, à cette place. Il ne peut plus nier que Dieu ne l’ait élu. Il faut donc qu’il parle au roi, car il connaît le dénouement, et déjà il le voit, il le décrit en vers hallucinés.

Le roi Zedekia, qui, plein d’appréhension, fait sa ronde avec Abimélek, entend la voix de Jérémie, et il reconnaît celui qui voulut le retenir au seuil de la déclaration de guerre. Il l’écouterait à présent, si c’était à refaire. Jérémie lui dit qu’il n’est jamais trop tard pour demander la paix. Zedekia ne veut pas faire les premières démarches. Si on le repoussait ?

— « Heureux ceux qu’on repousse pour la justice ! »

Et si on se rit de lui ?

— « Mieux vaut avoir derrière soi le rire des sots que les pleurs des veuves. »

Zedekia refuse. Plutôt mourir que s’humilier ! Jérémie le maudit et l’appelle assassin de son peuple. Les soldats veulent le jeter par dessus les murs. Zedekia les en empêche. Son calme, sa mansuétude, troublent Jérémie, qui le laisse partir sans un nouvel effort pour le sauver. L’heure décisive est perdue. Jérémie s’accuse de faiblesse, il sent son impuissance, et il s’en désespère : il ne sait que crier et maudire ; il ne sait pas faire le bien. Baruch le console et, à sa suggestion, décide de descendre des murs dans le camp des Chaldéens, pour parler à Nabukadnézar.

Scène V : « L’épreuve du prophète »

La mère de Jérémie se meurt. La malade ne sait rien de ce qui se passe au dehors. Depuis qu’elle a chassé son fils, elle souffre et l’attend. Tous deux sont fiers, et aucun ne veut faire le premier pas. Le vieux