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LES PRÉCURSEURS

près résolus et n’attendent que la réalisation pratique. La thermoélectricité nous permet l’utilisation directe et rationnelle de l’énergie solaire. Les recherches des chimistes modernes conduisent aux possibilités de créer artificiellement les aliments… etc. Si l’humanité appliquait toute sa volonté de lutte à l’exploitation de toute l’énergie disponible dans la nature, non seulement elle pourrait vivre à l’aise, mais il y aurait place sur terre pour des milliards d’êtres humains de plus. Combien pauvre en présence de cet admirable combat avec les éléments paraît la guerre actuelle ! Qu’a-t-elle à voir avec le vrai combat pour l’existence ? C’est un produit de dégénérescence. La guerre est juste ; mais non la guerre entre les hommes : — la guerre féconde pour la souveraineté des hommes sur les forces de la terre, cette jeune guerre dont nous avons à peine combattu la millionième partie ; et notre temps est armé pour la mener d’une façon inouïe.

Nicolaï, opposant ce combat créateur au combat destructeur, les symbolise en deux types de savants allemands : d’un côté, le professeur Haber, qui a utilisé sa science à fabriquer les bombes asphyxiantes et pour qui l’avenir ne sera pas indulgent ; — et le génial chimiste Emil Fischer, qui a réalisé la synthèse du sucre et qui réalisera peut-être celle du blanc d’œuf, — le fondateur ou l’avant-coureur de la nouvelle période de l’humanité. Celui-ci sera vénéré dans l’avenir comme un des grands vainqueurs dans le combat pour conquérir les sources de la vie. Il aura exercé en vérité « l’art divin », dont parlait Archimède.

Mais aux raisonnements de Nicolaï, prouvant que la guerre va à l’encontre du progrès humain, s’oppose un fait indiscutable, éclatant, qu’il s’agit d’expliquer : la présence actuelle de la guerre et son épanouissement