Page:Rolland - Les Précurseurs.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
172
LES PRÉCURSEURS

comme un corps et une âme en perpétuel mouvement.

Nicolaï commence par rappeler que cette conception, si extraordinaire qu’elle puisse paraître, a existé de tous temps. Et il en fait brièvement l’histoire. C’est le Feu d’Héraclite, qui représentait aux yeux du sage Éphésien la raison du monde. C’est le pneuma des stoïciens, le pneuma agion des chrétiens primitifs, la Force sainte, vivifiante, qui concentre en soi toutes les âmes. C’est le universum mundum velut animal quoddam immensum d’Origène. Ce sont les chimères fécondes de Cardanus, de Giordano Bruno, de Paracelse, de Campanella. C’est l’animisme qui se mêle encore à la science de Newton et qui pénètre son hypothèse de l’attraction universelle : (ses disciples directs n’appellent-ils pas cette force : « amitié »[1] ou « Sehnsucht des astres » !…[2] — Bref, c’est à travers tous les développements de la pensée humaine la croyance que ce monde terrestre est un seul organisme qui possède une sorte de conscience commune. Nicolaï indique l’intérêt qu’il y aurait à écrire l’histoire de cette idée, et il l’esquisse en un chapitre savoureux.[3]

Puis il passe à la démonstration scientifique. — Existe-t-il un lien matériel, corporel, vivant et persistant, entre tous les hommes de tous les pays et de tous les temps ?[4] Il en trouve la preuve dans les

  1. Muschenbrœk.
  2. Lichtenberg.
  3. On est surpris de rencontrer rarement dans le livre de Nicolaï le nom d’Auguste Comte, dont le « Grand-Être Humain » a quelque parenté avec l’ « Humanité » du biologiste allemand.
  4. Il est bon de noter que Nicolaï s’excuse presque d’avoir recours à ces démonstrations matérielles. Pour son compte, il lui suffirait, comme à Aristote, d’observer l’action des forces existantes entre les hommes, pour démon-