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LES PRÉCURSEURS

tique » qu’il oppose au « sôma psuchikon », ou « corps psychique » et intellectuel, et qui, plus essentiel que celui-ci, pénètre réellement, matériellement, le corps de tous les hommes.

Ce n’est pas tout : les études des naturalistes contemporains, et notamment de Janicki, sur la reproduction sexuelle[1], ont expliqué comment elle sauvegarde l’homogénéité du plasma germinatif dans une espèce animale, et comment elle renouvelle constamment les apports mutuels à l’intérieur de l’organisme total d’une race. « Le monde, dit Janicki, n’est pas brisé en une masse de fragments indépendants, isolés pour toujours les uns des autres. Par la génération sexuelle, périodiquement mais inépuisablement, l’image du macrocosme se reflète en chaque partie, comme un microcosme ; le macrocosme se résout en mille microcosmes. Ainsi, les individus, tout en étant indépendants, forment entre eux une continuité matérielle. Tels les plants de fraisiers, reliés par des rejetons, chaque individu se développe pour ainsi dire par un système invisible de rhizomes (racines souterraines) qui unissent ensemble les substances germinatives d’innombrables individualités ». — Or, on calcule qu’à la vingt-et-unième génération, soit en cinq cents ans (à trois enfants par couple), la postérité d’un homme embrasse un nombre d’hommes égal à l’humanité entière. On peut donc dire que chacun a un peu de substance vivante de tous les hommes qui ont vécu il y a cinq cents ans. D’où l’absurdité de vouloir enfermer un individu, quel qu’il soit, dans une catégorie de nation ou de race séparée.

Ajoutez que la pensée se propage, elle aussi, à travers les hommes, à la façon du plasma germinatif.

  1. Ueber Ursprung und Bedeutung der Amphimixis, 1906.