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LES PRÉCURSEURS

rement la source. En fait, la science participe donc aux passions funestes qui rongent les lettres et les arts.

Et d’autre part, si la science a besoin de la collaboration de toutes les nations, les arts et les lettres n’ont pas moins d’avantages à sortir aujourd’hui du « splendide isolement ». Sans parler des modifications techniques qui ont amené, en peinture, en musique, au cours du dernier siècle et de celui qui a si mal commencé, de brusques et prodigieux enrichissements de la vision et de l’audition esthétique, — l’influence d’un philosophe, d’un penseur, d’un écrivain, peut avoir sa répercussion dans toute la littérature d’un temps, et aiguiller l’esprit sur une voie nouvelle de recherches psychologiques, morales, esthétiques et sociales. Qui veut s’isoler, qu’il s’isole ! Mais la république de l’esprit tend, de jour en jour, à s’élargir ; et les plus grands hommes sont ceux qui savent embrasser et fondre en une puissante personnalité les richesses dispersées ou latentes de l’Âme humaine.

Donc, ne limitons pas l’idée d’internationalisme à la science, et gardons au projet son ampleur, — sous la forme d’un Institut des Arts, des Lettres et des Sciences humaines.

Je ne pense pas d’ailleurs que cette fondation puisse rester isolée. L’internationalisme de la culture ne peut plus aujourd’hui demeurer un luxe pour quelques privilégiés. La valeur pratique d’un Institut des Nations serait faible, si les maîtres n’étaient pas reliés aux disciples par le même courant, si le même esprit ne pénétrait pas à tous les étages de l’enseignement.

C’est pourquoi je salue, comme une initiative féconde et un heureux symptôme, la fondation récente, à Zu-