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LES PRÉCURSEURS

nières générations, l’homme était membre d’une seule humanité, d’une seule grande forme de vie. Maintenant, il participe au vaste flot vital de toute l’humanité ; il doit se diriger d’après ses lois et se retrouver en elle. Sinon, le meilleur de lui-même est perdu. — Certes, le plus profond du passé, de ses religions, de son art, de sa pensée, n’est pas en cause. Il demeure, et il demeurera. Mats il sera élevé à de nouvelles clartés, creusé à de nouvelles profondeurs. Un plus large cercle de vie s’ouvre autour de nous. Il n’est pas surprenant que beaucoup aient le vertige et croient voir chanceler la grandeur du passé. Mais on doit confier le gouvernail à ceux qui, calmement, fermement, sont en état de préparer la nouvelle époque… Le plus entier bonheur qui puisse échoir à l’homme d’à présent est dans l’intelligence de l’humanité entière et de ses formes si diverses d’être heureux… Compléter l’idéal européen par l’idéal asiatique, c’est pour longtemps la plus haute joie qu’un homme puisse connaître sur terre.

De telles recherches, avec leur caractère d’universalité et d’objectivité, excluent formellement, comme le déclare encore le même programme, tout ce qui provoque à la haine des peuples, des classes et des races, tout ce qui mène au démembrement et aux combats inutiles… Si elles ont le devoir de combattre quelque chose, c’est la haine, l’ignorance et l’incompréhension… Leur belle et pressante tâche est d’éveiller à la conscience la beauté qui est dans toute individualité humaine, dans tout peuple, et de l’amener à la réalisation pratique… de trouver les bases scientifiques d’accommodement entre les peuples, les classes et les races. Car seule, la science peut, par un dur travail, conquérir la paix…

Ainsi, des fondations de paix spirituelle entre les peuples s’édifient au milieu de la guerre des peuples, comme des phares qui montrent aux vaisseaux disper-