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LES PRÉCURSEURS

tenant que, pour avoir la vérité, il ne faut pas l’attendre sous l’orme, nous allons à sa recherche, nous-mêmes, partout où elle gîte. Quand l’eau potable manque à la maison, il faut la puiser à la fontaine.

Aujourd’hui, nous laisserons parler l’opposition d’Amérique, par la voix d’une de ses revues les plus intrépides : The Masses, de New-York[1].

Ici s’exprime la vérité non-officielle, qui n’est, elle aussi, qu’une partie de la vérité. Mais nous avons le droit de connaître la vérité totale, qu’elle plaise ou qu’elle déplaise. Nous en avons même le devoir, si nous ne sommes pas des femmes qui ont peur de regarder en face la réalité. Qu’on ne cherche pas dans The Masses ce qu’il y a aussi de grandeur gaspillée dans la guerre ! Nous le connaissons de reste par tous les récits officiels dont on nous inonde. Mais ce que l’on ne connaît pas assez, ce que l’on ne veut pas connaître, c’est la misère matérielle et morale, l’injustice, l’oppression, qui sont dans chaque peuple le revers de toute guerre, même de la plus juste, comme dit Bertrand Russell. — Et c’est ce que nous force à voir, pour l’Amérique, l’intransigeante revue, que je résume ici.

L’editor, Max Eastman, en est l’âme. Il la remplit de sa pensée et de son énergie. Dans les deux derniers numéros que j’ai sous les yeux (juin et juillet 1917), il n’a pas écrit moins de six articles ; et tous mènent une lutte implacable contre le militarisme et le nationalisme idolâtre. Nullement dupe des déclamations officielles, il soutient que la guerre actuelle n’est pas une guerre pour la démocratie et que « la vraie lutte pour

  1. The Masses, a free magazine, 24, Union Square, East New-York. — Tous les renseignements qui suivent sont extraits de ses deux numéros de juin et juillet 1917.