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LES PRÉCURSEURS


Sixième Partie
De l’éducation nouvelle

Enfin, cette longue discussion s’achève par des conclusions pratiques. Il faut réorganiser l’éducation publique et lui imprimer une direction nouvelle. L’éducation actuelle est triplement insuffisante : 1o du point de vue humaniste, elle mure les esprits dans l’étude d’époques et de civilisations passées, sans préparer en rien à l’accomplissement des devoirs contemporains ; 2o du point de vue spécialement suisse, elle est orientée uniquement vers un patriotisme aveugle, que rien n’éclaire ni ne guide ; elle ressasse l’histoire des guerres, des victoires, de la force brutale, au lieu d’enseigner la liberté, le haut idéal suisse ; elle n’a aucun sens pour les nécessités morales et matérielles du peuple d’aujourd’hui ; 3o du point de vue technique, elle est bassement matérialiste et militaire, sans idées. On voit bien, en ce moment, se propager un fort mouvement qu’on intitule : « Éducation nationale », « Éducation civique d’État ». Mais attention ! Il y a là un nouveau danger : une sorte d’idole d’État, despotique et sans âme, une superstition de l’État, un égoïsme de l’État, auquel on voudrait asservir les esprits. Qu’on ne s’y laisse pas prendre ! L’effort à faire est immense ; et le Zofinger-Verein en doit donner l’exemple. Il doit tâcher d’accomplir la mission intellectuelle et morale de la Suisse. Mais non en s’isolant. Jamais il ne doit perdre le sentiment de sa solidarité de pensée et d’action avec tous les pays. Il adresse un hommage ému aux « Gesinnungsfreunde », aux amis et compagnons des pays belligérants, aux jeunes morts de France et d’Allemagne, et à ceux qui sont vivants. Il faut s’associer à eux, travailler côte à côte avec la jeunesse libre du monde entier. Et le président