Page:Rolland - Mahatma Gandhi.djvu/60

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ments contraires et à recommencements, que l’histoire de la civilisation humaine est, plus exactement, l’histoire des civilisations, et que si, dans chaque civilisation, on constate un progrès (variable, chaotique, brisé, parfois arrêté), on ne saurait du tout assurer qu’il y ait eu progrès d’une des grandes civilisations à une autre.

Mais, sans discuter ici le dogme européen du Progrès, et en se tenant simplement au fait que tout le mouvement actuel va contre le vœu profond de Gandhi, il ne faut pas croire que la foi de Gandhi va s’y briser. Ce serait mal connaître l’esprit oriental. Gobineau dit que « les Asiatiques sont en toutes choses beaucoup plus obstinés que nous. Ils attendent des siècles, quand il le faut, et leur idée, après un aussi long sommeil, ne se trouve jamais avoir vieilli ni perdu de ses forces ». Les siècles ne sont pas pour effrayer un Hindou. Gandhi est prêt au succès, dans le cours de l’année. Mais il y est aussi prêt, dans le cours de quelques siècles. Il ne violente pas le temps. Et si le temps s’attarde, il s’attarde avec lui. Si donc, dans son action, il trouve l’Inde insuffisamment