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du contrat social

monde. Il fait son devoir, il est vrai ; mais il le fait avec une profonde indifférence sur le bon ou mauvais succès de ses soins. Pourvu qu’il n’ait rien à se reprocher, peu lui importe que tout aille bien ou mal ici-bas.

…Le christianisme ne prêche que servitude et dépendance. Son esprit est trop favorable à la tyrannie pour qu’elle n’en profite pas toujours. Les vrais chrétiens sont faits pour être esclaves ; ils le savent et ne s’en émeuvent guère ; cette courte vie a trop peu de prix à leurs yeux.

Mais… revenons au droit, et fixons les principes sut ce point important. Le droit que le pacte social donne au souverain sur les sujets ne passe point, comme je l’ai dit, les bornes de l’utilité publique[1]. Les sujets ne doivent donc compte au souverain de leurs opinions qu’autant que ces opinions importent à la communauté. Or, il importe bien à l’état que chaque citoyen ait une religion qui lui fasse aimer ses devoirs ; mais les dogmes de cette religion n’intéressent ni l’état ni ses membres qu’autant que ces dogmes se rapportent à la morale et aux devoirs que celui qui la professe est tenu de remplir envers autrui. Chacun peut avoir, au surplus, telles opinions qu’il lui plaît, sans qu’il appar-

  1. Dans la république, dit le marquis d’Argenson, chacun est parfaitement libre en ce qui ne nuit pas aux autres. Voilà la borne invariable, on ne peut la poser plus exactement.