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lettre a m. d’alembert

établir la paix où régnent l’intérêt, l’orgueil et l’opinion, c’est par là qu’on terminerait à la fin les dissensions des prêtres et des philosophes.

…Quels sont les moyens que vous nous indiquez pour contenir les hommes ? Des lois sévères et bien exécutées… Des lois sévères ! la première est de n’en point souffrir. Si nous enfreignons celle-là, que deviendra la sévérité des autres ? Des lois bien exécutées ! Il s’agit de savoir si cela se peut : car la force des lois a sa mesure ; celle des vices qu’elles répriment a aussi la sienne. Ce n’est qu’après avoir comparé ces deux quantités et trouvé que la première surpasse l’autre, qu’on peut s’assurer de l’exécution des lois. La connaissance de ces rapports fait la véritable science du législateur : car, s’il ne s’agissait que de publier édits sur édits, règlements sur règlements, pour remédier aux abus à mesure qu’ils naissent, on dirait sans doute de fort belles choses, mais qui, pour la plupart, resteraient sans effet, et serviraient d’indications de ce qu’il faudrait faire, plutôt que de moyens pour l’exécuter. Dans le fond, l’institution des lois n’est pas une chose si merveilleuse, qu’avec du sens et de l’équité tout homme ne pût très bien trouver de lui-même celles qui, bien observées, seraient les plus utiles à la société. Où est le plus petit écolier de droit qui ne dressera pas un code d’une morale aussi pure que celle des lois de Platon ? Mais ce n’est pas de cela seul qu’il s’agit ;