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émile

l’Ermitage et à Montmorency, il s’attacha au problème éducatif avec passion. Puisque la civilisation lui paraissait avoir faussé « l’homme naturel », il s’agissait de le reconstruire : — ce dont ses anciens amis, maintenant ennemis, les Encyclopédistes, ne s’occupaient pas.

« La littérature et le savoir de notre siècle, écrit-il dans sa Préface, tendent beaucoup plus à détruire qu’à édifier. On censure, d’un ton de maître ; pour proposer, il en faut prendre un autre, auquel la hauteur philosophique se complaît moins. Malgré tant d’écrits qui n’ont, dit-on, pour but que l’utilité publique, la première de toutes les utilités, qui est l’art de former des hommes, est encore oubliée. »

Rousseau travailla à l’Emile, en même temps qu’au Contrat Social. Les deux ouvrages sont liés. Tous deux fondent leurs principes sur la liberté essentielle de l’homme naturel, que l’éducation doit sauvegarder, — que le législateur devra réellement assurer. Tous deux sont les livres les plus hardis et les plus féconds qui soient sortis de la plume de Rousseau, et qu’ait conçus l’esprit prérévolutionnaire au XVIIIe siècle. Aussi furent-ils condamnés au bûcher, tous les deux, presque aussitôt après leur parution en librairie. L’Emile, terminé en 1760, fut publié — et brûlé — en 1762.