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profession de foi du vicaire savoyard

entendement ; plus j’y pense, plus je me confonds ! je sais très certainement qu’il existe, et qu’il existe par lui-même ; je sais que mon existence est subordonnée à la sienne, et que toutes les choses qui me sont connues sont absolument dans le même cas. J’aperçois Dieu partout dans ses œuvres, je le sens en moi, je le vois autour de moi ; mais, sitôt que je veux le contempler en lui-même, sitôt que je veux chercher où il est, ce qu’il est, quelle est sa substance il m’échappe, et mon esprit troublé n’aperçoit plus rien.

Pénétré de mon insuffisance, je ne raisonnerai jamais sur la nature de Dieu, que je n’y sois forcé par le sentiment de ses rapports avec moi.

Mais quand, pour connaître ensuite ma place individuelle dans mon espèce, j’en considère l’économie, les divers rangs et les hommes qui les remplissent, une deviens-je ? Quel spectacle ! Où est l’ordre que j’avais observé ? Le tableau de la nature ne m’offrait qu’harmonie et proportions ; celui du genre humain ne m’offre que confusion, désordre ! Le concert règne entre les éléments, et les hommes sont dans le chaos !… Je vois le mal sur la terre.

…L’homme est libre dans ses actions, et, comme tel, animé d’une substance immatérielle ; c’est mon troisième acte de foi.

Si l’homme est actif et libre, il agit de lui-même ; tout ce qu’il fait librement n’entre point dans le système ordonné de la provi-