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jean-jacques rousseau

philosophiques », de son propre aveu, « l’attirèrent le plus vers l’étude » et furent son premier stimulant à écrire. « Le goût, dit-il, que je pris à ces lectures m’inspira le désir d’apprendre à écrire avec élégance et de tâcher d’imiter le beau coloris de cet auteur dont j’étais enchanté. »

Au total, d’ailleurs, on peut dire que son instruction restera toujours incomplète et bien inférieure à celle des grands Encyclopédistes ; il connaissait mal l’antiquité, à part Plutarque, Tacite, Sénèque, un peu Platon, peut-être Virgile. Mais il avait le génie d’imaginer par intuition et de vivifier puissamment ce qu’il puisait dans les citations de grands liseurs comme Montaigne, ou de Bossuet, et de son compatriote suisse Murait pour les Anglais.

Son plus grand maître, au reste, ne fut pas les livres. Son plus grand maître fut la nature. Il l’a aimée avec passion, dès son enfance ; et si cette passion ne s’exprime pas, dans ce qu’il écrit, par des descriptions encombrantes, la nature a imprégné tout son être : elle se traduit par quelques traits sobres et saisissants. Elle le plongera dans des extases, qui s’accentueront dans sa vieillesse et qui l’apparenteront singulièrement aux grands mystiques d’Orient.

En 1741, déçu douloureusement par Mme de Warens, auprès de qui il a trouvé sa place prise, pendant une absence hors du nid, il s’expatrie et vient s’installer à Paris. Il avait trente ans, et, pour toute ressource, quinze