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jean-jacques rousseau


L’infortuné, qui pensait, en mourant, « être seul sur la terre » et condamné à le rester, « pour l’éternité », ne savait point qu’il avait conquis le présent et l’avenir. Dès les dernières années de sa vie, de 1770 à 1778, six éditions avaient paru de ses œuvres complètes, dix de la « Nouvelle Héloïse ». En 1782 furent publiées la première partie des « Confessions » et les « Rêveries », qui enflammèrent l’imagination, déjà saisie par le mystère de cette mort subite, dans le cadre romantique d’Ermenonville. Dès 1780, la moitié de la France était venue en pèlerinage à l’île des Peupliers où reposaient les cendres du sage fou. Même la reine et tous les princes. Les visiteurs s’abandonnaient aux transports de l’adoration et de l’amour. En vain, la haine des « philosophes » avait tenté de détruire, par ses attaques venimeuses, cette renommée qui les menaçait. Toute opposition fut brisée. La génération révolutionnaire qui venait se réclama du républicain de Genève qui, par contraste avec le grand seigneur de Ferney, Voltaire, mort un mois avant lui (31 mai 1778), avait, fidèle à ses principes, mené jusqu’au bout la vie d’un homme du peuple ou d’un petit bourgeois paysan. Les futurs chefs de la Révolution française, de