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jean-jacques rousseau

justes besoins et aux faiblesses, profondément humaine.

Chose singulière et remarquable chez un esprit aussi classique et disposé aux jugements absolus, toute sa rigueur légiférante est pénétrée d’un relativisme tout moderne, qui s’accorde avec sa passion de tolérance. On trouvera, dans sa « Lettre à d’Alembert », clairement affirmé, le principe de la raison relative, de la relativité des jugements, et du relativisme historique. Il avait le sens aigu du mouvement, du « παύτα ῤει » ; et ce dynamisme, qui fait contraste avec le rationalisme statique des temps précédents, achemine, par lui, la pensée moderne, au « Meurs et deviens ! » (Stirb und Werde !) de Gœthe.

Il a ouvert à la littérature les richesses du subconscient, les mouvements secrets de l’être, ignorés ou refoulés, et ses constantes fermentations, sa libido. Il est une des sources du freudisme.

Tolstoï a reçu de lui, dans sa jeunesse, le coup de foudre. Adolescent, il portait au cou le portrait de Rousseau en médaille, comme une image sainte. Sa réforme morale et son école de Iasnaïa Poliana procèdent de la doctrine et de l’exemple de Jean-Jacques. Jusqu’à ses derniers jours, il n’a cessé de se réclamer de lui. Leurs ressemblances ne sont pas moins frappantes sur le terrain de l’art que sur celui de la religion. « Telles des pages de Rousseau me vont au cœur, disait Tolstoï, je crois que