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discours sur l’origine de l’inégalité

relle, qui, perdant de société à société presque toute la force qu’elle avait d’homme à homme, ne réside plus que dans quelques grandes âmes cosmopolites qui franchissent les barrières imaginaires qui séparent les peuples, et qui, à l’exemple de l’Être souverain qui les a créés, embrassent tout le genre humain dans leur bienveillance.

…De là sortirent les guerres nationales, les batailles, les meurtres, les représailles, qui font frémir la nature et choquent la raison, et tous ces préjugés horribles qui placent au rang des vertus l’honneur de répandre le sang humain. Les plus honnêtes gens apprirent à compter parmi leurs devoirs celui d’égorger leurs semblables : on vit enfin les hommes se massacrer par milliers sans savoir pourquoi.

…Tels sont les premiers effets qu’on entrevoit de la division du genre humain en différentes sociétés.

…Il est incontestable, et c’est la maxime fondamentale de tout le droit politique, que les peuples se sont donné des chefs pour défendre leur liberté et non pour les asservir. Si nous avons un prince, disait Pline à Trajan, c’est afin qu’il nous préserve d’avoir un maître.

…Je considère l’établissement du corps politique comme un vrai contrat entre le peuple et les chefs qu’il se choisit ; contrat par lequel les deux parties s’obligent à l’observation des lois qui y sont stipulées et qui forment les