Page:Rolland - Vie de Beethoven.djvu/102

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sentiment de la bonté. Même à accomplir de grandes actions, j’ai toujours été disposé. Mais songez seulement, depuis six ans, quel est mon état affreux, aggravé par des médecins sans jugement, trompé d’année en année, dans l’espérance d’une amélioration, enfin contraint à la perspective d’un mal durable — dont la guérison demande peut-être des années, si elle n’est pas tout à fait impossible. Né avec un tempérament ardent et actif, accessible même aux distractions de la société, je devais de bonne heure me séparer des hommes, passer ma vie solitaire. Si je voulais parfois surmonter tout cela, oh ! combien durement je me heurtais à la triste expérience renouvelée de mon infirmité ! Et pourtant, il ne m’était pas possible de dire aux hommes : « Parlez plus haut, criez ; car je suis sourd ! » Ah ! comment me serait-il possible d’aller révéler la faiblesse d’un sens, qui devrait être chez moi plus parfait que chez les autres, un sens que j’ai autrefois possédé dans la plus grande perfection, dans