Page:Rolland - Vie de Beethoven.djvu/80

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Au moment où le thème de la Joie va paraître pour la première fois, l’orchestre s’arrête brusquement ; il se fait un soudain silence : ce qui donne à l’entrée du chant un caractère mystérieux et divin. Et cela est vrai : ce thème est proprement un dieu. La Joie descend du ciel, enveloppée d’un calme surnaturel : de son souffle léger elle caresse les souffrances ; et la première impression qu’elle fait est si tendre, quand elle se glisse dans le cœur convalescent, qu’ainsi que cet ami de Beethoven, « on a envie de pleurer, en voyant ses doux yeux ». Lorsque le thème passe ensuite dans les voix, c’est à la basse qu’il se présente d’abord, avec un caractère sérieux et un peu oppressé. Mais peu à peu la Joie s’empare de l’être. C’est une conquête, une guerre contre la douleur. Et voici les rythmes de marche, les armées en mouvement, le chant ardent et haletant du ténor, toutes ces pages frémissantes, où l’on croit entendre le souffle de Beethoven lui-même, le rythme de sa respiration et de ses