Page:Rolland - Vie de Ramakrishna.djvu/23

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qu’ils étiquètent : Socialisme, Communisme, Humanitarisme, Nationalisme — voire même Rationalisme. Ce n’est point l’objet de la pensée qui détermine sa provenance et permet de décider si elle ressortit ou non à la religion : c’est la qualité de cette pensée. Si elle s’oriente intrépidement vers la recherche de la vérité à tout prix, avec une sincérité entière et prête à tous les sacrifices, je la nomme religieuse : car elle présuppose la foi en un but de l’effort humain, supérieur à la vie de l’individu, parfois de la communauté présente, et même de la totale humanité. Même le scepticisme, quand il est aux mains de natures vigoureuses et vraies jusqu’à la moelle, quand il est l’expression de la force et non de l’impuissance, participe à la Grande Armée de l’Âme religieuse.

Et n’ont aucun droit, au contraire, d’en porter les couleurs, des milliers de ces lâches croyants des églises — cléricales ou laïques — qui ne croient point par eux-mêmes, mais qui restent vautrés dans l’étable, où ils ont été vêlés, devant le râtelier plein du foin des croyances commodes, qu’ils n’ont que la peine de remâcher.

On sait le mot tragique sur le Christ, qui « sera en agonie jusqu’à la fin du monde »… Je ne crois pas, pour ma part, à un seul Dieu personnel, ni surtout à un Dieu de la seule Douleur. Mais je crois que (douleur et joie mêlées, et avec elles toutes les formes de la vie) il n’est de Dieu que ce qui, dans l’homme et dans les hommes et dans l’univers, est une naissance perpétuelle. La Création se renouvelle, à