Page:Rolland - Vie de Ramakrishna.djvu/28

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souterraine, de mon Herculanum, qui dormait sous la lave. Et je me suis convaincu qu’il dormait au fond de beaucoup de ceux qui m’entouraient. Mais ils ignorent leurs assises, comme je les ignorais. Et très peu se sont hasardés au delà du premier étage de caves, que leur aménagea, pour leur strict usage quotidien, leur propre sagesse pratique, limitant ses besoins avec économie, et la volonté d’ordre des maîtres qui ont cimenté la tour à tour royale et jacobine unité de la France. J’admire cette construction. Historien de métier, j’y vois un des grands œuvres de l’énergie humaine, éclairée par l’esprit… Aere perennius… Mais, selon l’antique légende qui, pour que durât l’œuvre, voulait qu’on maçonnât dans les murs le corps vivant d’un homme, nos maîtres architectes ont noyé dans leur mortier des milliers d’âmes toutes chaudes. Et on ne les voit plus, sous le revêtement de marbre et le ciment romain… Mais moi, je les entends ! Et qui prête l’oreille les entendra comme moi, tandis que se déroule la noble liturgie de la pensée « classique ». L’office qu’on célèbre au maître-autel n’en tient presque aucun compte. Mais les fidèles qui suivent, cette foule docile et distraite qui s’agenouille et se lève, aux signes indiqués, ruminent dans leurs songes de tout autres herbes de la Saint-Jean. La France est riche en âmes. Mais la vieille paysanne les cache, comme ses écus.

Je viens de retrouver la clef d’un escalier perdu, qui mène à quelques-unes de ces âmes défendues. L’escalier, dans le mur, lové comme un serpent, se