Page:Rolland - Vie de Tolstoï.djvu/185

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De même qu’une matière en combustion peut seule communiquer le feu à d’autres matières, seules la vraie foi et la vraie vie d’un homme peuvent se communiquer à d’autres hommes et répandre la vérité[1].

Peut-être ; mais jusqu’à quel point cette foi isolée a-t-elle pu assurer le bonheur à Tolstoï ? — Qu’il est loin, à ses derniers jours, de la sérénité volontaire d’un Gœthe ! On dirait qu’il la fuit, qu’elle lui est antipathique.

Il faut remercier Dieu d’être mécontent de soi. Puisse-t-on l’être toujours ! Le désaccord de la vie avec ce qu’elle devrait être est précisément le signe de la vie, le mouvement ascendant du plus petit au plus grand, du pire au mieux. Et ce désaccord est la condition du bien. C’est un mal, quand l’homme est tranquille et satisfait de soi-même[2].

Et il imagine ce sujet de roman, qui montre curieusement que l’inquiétude persistante d’un Levine ou d’un Pierre Besoukhov n’était pas morte en lui.

Je me représente souvent un homme élevé dans les cercles révolutionnaires, et d’abord révolutionnaire, puis populiste, socialiste, orthodoxe, moine au Mont Athos, ensuite athée, bon père de famille, et

  1. Guerre et Révolution.
  2. Lettre à un ami. (Corresp. inéd., p. 354-55.)