Page:Rolland - Vie de Tolstoï.djvu/195

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Transmettre ceci, après ma mort, à ma femme Sophie Andréievna.

Et à cela se borna son projet d’évasion.

Était-ce là sa force ? N’était-il pas capable de sacrifier sa tendresse à son Dieu ? — Certes, il ne manque pas, dans les fastes chrétiens, de saints au cœur plus ferme qui n’hésitèrent jamais à fouler intrépidement aux pieds leurs affections et celles des autres… Qu’y faire ? Il n’était point de ceux-là. Il était faible. Il était homme. Et c’est pour cela que nous l’aimons.

Plus de quinze ans auparavant, dans une page d’une douleur déchirante, il se demandait à lui-même :

Eh bien, Léon Tolstoï, vis-tu selon les principes que tu prônes ?

Et il répondait, accablé :

Je meurs de honte, je suis coupable, je mérite le mépris… Pourtant, comparez ma vie d’autrefois à celle d’aujourd’hui. Vous verrez que je cherche à vivre selon la loi de Dieu. Je n’ai pas fait la millième partie de ce qu’il faut faire, et j’en suis confus, mais je ne l’ai pas fait, non parce que je ne l’ai pas voulu, mais parce que je ne l’ai pas pu… Accusez-moi, mais n’accusez pas la voie que je suis. Si je connais la route qui conduit à ma maison, et si je la suis en titubant, comme un