Page:Rolland Clerambault.djvu/48

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taient vainement l’emploi ; ils ne le trouvaient point dans l’idéal de leurs plus nobles aînés. L’humanitarisme d’un Clerambault était trop vague ; il se satisfaisait d’agréables espérances, sans risques et sans vigueur, que seule permettait la quiétude d’une génération vieillie dans la paix bavarde des Parlements et des Académies ; il ne cherchait pas à prévoir, sinon comme thèmes oratoires, les dangers de l’avenir ; encore moins songeait-il à déterminer son attitude, au jour où le péril serait là. Entre les idéaux d’action les plus opposés, on n’avait pas la force de faire un choix. On était patriote et internationaliste. On construisait, en esprit, des Palais de la Paix et des super-dreadnoughts. On voulait tout comprendre, tout embrasser, tout aimer. Ce Whitmanisme alangui pouvait avoir esthétiquement son prix. Mais son incohérence pratique n’offrait aux jeunes gens aucune direction, à la croisée des routes où ils se trouvaient amenés. Ils piétinaient sur place, frémissant de l’attente incertaine et de l’inutilité de leurs jours, qui passaient

La guerre vint trancher l’indécision. Ils l’acclamèrent. Elle choisissait pour eux. Ils se lancèrent à sa suite. Marcher à la mort, soit ! Mais marcher, c’est vivre. Les bataillons partaient en chantant, trépignant d’impatience, des dahlias au képi, les fusils pomponnés de fleurs. Les réformés s’engageaient, les adolescents se faisaient inscrire, les mères les poussaient en avant. On eût dit un départ pour les Jeux Olympiques.

De l’autre côté du Rhin, la jeunesse était de même.