Page:Rolland Clerambault.djvu/85

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de sa vie et tâche de comprendre ce qui est arrivé. Le gouffre stupide de cette mort le fascinait. Ce bel enfant qu’on avait eu tant de joie, tant de peine à avoir, à élever, toute cette richesse d’espoirs en fleur, ce petit univers sans prix qu’est un jeune homme, cet arbre de Jessé, ces siècles d’avenir Et tout cela détruit, en une heure Pour quoi ? Pour quoi ?

Il fallait se persuader au moins que c’était pour quelque chose de grand et de nécessaire. Clerambault s’accrocha à cette bouée, avec désespoir, pendant les jours et les nuits qui suivirent. Si ses doigts se desserraient, il coulerait à pic. Plus purement encore, il affirma la sainteté de la cause. Il se refusait d’ailleurs à la discuter. Mais ses doigts peu à peu glissaient ; chaque mouvement l’enfonçait ; car chaque attestation nouvelle de sa justice et de son droit faisait surgir de la conscience une voix qui disait :

— « Quand bien même vous auriez vingt mille fois plus raison dans la lutte, votre raison affirmée vaut-elle les désastres dont il la faut payer ? Votre justice veut-elle que des millions d’innocents tombent, rançon des iniquités et des erreurs des autres ? Le crime se lave-t-il par le crime, le meurtre par le meurtre ? Et fallait-il que vos fils en fussent non seulement victimes, mais complices, et fussent assassinés et fussent des assassins ? »

Il revit la dernière visite de son fils, leurs derniers entretiens, et il les rumina. Que de choses il comprenait maintenant, qu’il n’avait pas comprises ! Les silences de Maxime, le reproche de ses yeux… Le pire