Page:Rolland Clerambault.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

.

Rosine Clerambault, jusqu’à la crise actuelle, paraissait effacée. Sa vie intérieure était ignorée des autres et presque d’elle-même. À peine son père en avait-il une lueur. Elle avait vécu sous l’aile de la chaude, égoïste, asphyxiante affection de famille. Elle n’avait guère d’amies, de camarades de son âge. Les parents s’interposaient entre elle et le monde extérieur ; elle s’était habituée à pousser dans leur ombre ; et si, devenue adolescente, elle aspirait à s’en évader, elle n’osait pas, elle ne savait pas ; elle était gênée dès qu’elle sortait du cercle de famille ; ses mouvements étaient paralysés, elle pouvait à peine parler : on la jugeait insignifiante. Elle le savait et en souffrait, car elle avait de l’amour-propre. Alors, elle sortait le moins possible, et restait dans son milieu, où elle était simple, naturelle, silencieuse. Ce silence ne venait pas d’une torpeur de pensée, mais du bavardage des autres. Le père, la mère, le frère, étaient exubérants. La petite personne se renfermait, par réaction. Mais elle parlait, en elle.