Page:Rolland Handel.djvu/106

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demment par la qu'il plut à une époque fatiguée de l'effort d'intelligence que nécessite l'art sévèrement déduit de Scarlatti, ou l'art récitatif et expressif de Lully[1]. En lui s'incarna la réaction du bon gout mondain contre le goût savant [2]. Contre les grands airs da capo developpés largement d'une façon plus ou moins contrapuntique, voici de tout petits airs, da capo toujours, mais minuscules, d'une digestion facile, qui sentent la mélodie populaire, mais soigneusement parfumée, mise à la mode de son élégant public[3]. Cette simplicité distinguée, cette sensibilité délicate, fade, toujours correcte dans ses audaces et froide dans sa volupté, faisaient de Bononcini un grand

  1. Ce qu'il faut en musique, dit le London Journal du 24 février 1722, « c'est ce qui peut faire passer l'ennui et délivrer les gens distingués du souci de penser. »
  2. C'est l'éternel combat entre l'art savant et l'art pseudo- populaire. Il reprit un peu plus tard, avec Rousseau. La principale différence entre les deux phases de la lutte est qu'à l'époque qui nous occupe, le champion de l'art anti-savant était un musicien très instruit, qui ne soutenait pas cette cause par ignorance, mais par paresse et par rouerie.
  3. « À les regarder de près, dit M. Hugo Goldschmidt (Die Lehre von der vokalen Ornamentik, t. I, 1908), les chants de Bononcini sont des Lieder, auxquels est appliquée tant bien que mal la vieille forme de I'aria da capo, ou de la cavatine. » Le goût des petits airs en forme de lied s'était beaucoup répandu, depuis la fin du XVIIe siècle, en Allemagne et en Italie. Bononcini, qui y avait été tout naturellement entraîné par la mode et par sa facilité indolente, s'y abandonna d'autant plus, en Angleterre, que cela répondait au goût anglais.