Page:Rolland Handel.djvu/140

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Jamais il ne souffrit tant que dans la première année du mal, quand il n’était pas encore tout à fait aveugle. En 1702, il n’a pas la force de jouer de l'orgue, aux exécutions de ses oratorios ; et le public, ému, le voit blêmir et trembler, en entendant l’admirable plainte de son Samson aveugle. À partir de 1753, quand le mal est irréparable, Hændel reprend le dessus ; il tient l'orgue de nouveau, aux douze séances d’oratorios qu’il donne, chaque année, au carême ; et il le garde jusqu’à sa mort. Mais avec la vue, il a perdu la meilleure source de son inspiration. Cet homme qui n’était pas un intellectuel ni un mystique, cet homme qui aimait la lumière, la nature, les beaux tableaux, le spectacle des choses, — qui vivait par les yeux beaucoup plus que la plupart des musiciens allemands, — est muré dans la nuit. De 1752 a 1709, il s’engourdit dans le demi-sommeil qui précède la mort. Il dicte seulement en 1768 un duo et chœur pour Judas Macchabée : « Sion now her head shall raise » ; et revivant en pensée les jours heureux d’autrefois, il reprend une œuvre de jeunesse, le Trionfo del Tempo[1], dont il donne une nouvelle version, en mars 1707 : The Triumph of Time and Truth[2].

  1. Écrit en 1708, à Rome.
  2. Hændel avait déjà redonné l'œuvre italienne, avec des