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il créait sa musique, mais bien souvent, il créait celle des autres. Stradella et Erba n’étaient pour lui (si humiliante que soit la comparaison) que ce qu’étaient pour Léonard les flammes du foyer et les crevasses des murs, où il voyait des figures vivantes. Hændel entendait passer des ouragans dans les grattements de guitare de Stradella[1].

Ce caractère évocateur du génie de Hændel ne doit jamais être oublié. Qui se satisfait d’entendre cette musique sans voir ce qu’elle exprime, — qui la juge comme un art purement formel, — qui ne sent point son pouvoir expressif et suggestif, parfois jusqu’à l’hallucination, ne la comprendra jamais. C’est une musique qui peint : des émotions, des âmes, des situations, voire les époques et les lieux qui sont le cadre des émotions, et qui les teintent de leur couleur poétique et morale. En un mot, c’est un art essentiellement pittoresque et dramatique.

Il n’y a guère que vingt à trente ans que l’on en a retrouvé la clef, en Allemagne, grâce aux Hændel Musikfeste. Comme le disait M. A. Heuss,

  1. Il faudrait pouvoir examiner ici, en détail, comment, par exemple, deux interludes instrumentaux, très peu caractéristiques, de la Serenata a 3 con stromenti de Stradella, ont pu devenir les formidables chœurs de la grêle et de la nuée des mouches, dans Israël. J’ai tâché de faire cette étude dans un article paru dans la revue S. I. M., en mai et juillet 1910, sous le titre : Les plagiats de Hændel.