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à J.-S. Bach ; il est un des plus grands lyriques de la musique du XVIIe siècle[1]. Ces duos ont fixé le style et la forme du genre. Je comparerais volontiers le rôle joué par Steffani en musique à celui de Fra Bartolommeo, en peinture, — tous deux s’appliquant, avec un art parfait et un esprit très calme, à trouver les lois de la composition dans des genres limités : Fra Bartolommeo cherchant l’équilibre des groupes et l’harmonie des lignes dans des scènes à trois ou quatre personnages, rassemblés en un tableau rond ; Steffani concentrant tout l’effort de l’ingéniosité, de l’invention, de la science artistique, dans le cadre étroit du duo. Les deux artistes religieux ont un art lumineux, sûr de soi, savant avec simplicité, peu ou point passionné : leurs âmes sont nobles, pures, un peu imper-

  1. Voir les airs : Lungi dall’idol, Occhi perche piangete, et surtout Forma un mare, qui offre une analogie frappante avec un des plus beaux lieder de Philipp-Heinrich Erlebach : Meine Seufzer (publié par M. Max Friedländer, dans son Histoire du Lied au XVIIIe siècle). Il y a tout lieu de croire que Steffani a été un des modèles d’Erlebach.

    On y remarquera la prédilection de Steffani (comme des grands Italiens du temps) pour le chromatique, et son goût contrapuntique. Steffani était un des artistes d’alors le plus près de l’esprit de l’ancienne musique, tout en ouvrant le chemin à la musique nouvelle ; et il est caractéristique qu’on l’ait choisi comme président de l'Academy of antient Musick de Londres, qui prenait pour modèle l’art de Palestrina et des madrigalistes de la fin du XVIe siècle. Je ne doute pas que Hændel n’ait beaucoup appris, en cela encore, de Steffani.