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PREMIÈRE PARTIE

LE THÉÂTRE DU PASSÉ


I

MOLIÈRE


Je commencerai par convenir qu’il semble que nous ayons les éléments d’un théâtre comique populaire : Molière en est la pierre angulaire. Par certains côtés, il appartient même plus, en apparence, au peuple qu’à la bourgeoisie. Notre classe n’est plus toujours en parfaite harmonie avec les idées et les sentiments de Molière. Si nous étions francs, nous avouerions parfois des mouvements de révolte, presque d’antipathie, que retiennent et qu’étouffent aussitôt la puissance d’un grand nom et la peur du ridicule.[1] La vie animale s’est trop appauvrie chez nous, pour que nous trouvions un plaisir bien vif aux Scapins et aux Sbriganis, aux coups de bâton et aux clystères, aux grasses gaillardises, et surtout à l’âpreté brutale d’une verve souvent cruelle, qui s’attaque indifféremment aux faibles et aux forts, et ne ménage ni l’âge, ni les infirmités, ni tout ce qu’il

  1. L’échec tout récent du Bourgeois gentilhomme, à la représentation de gala donnée à l’Opéra, en octobre dernier, pour le roi et la reine d’Italie, en est un indice frappant.
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