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V

LE RÉPERTOIRE ÉTRANGER. LES TRAGIQUES GRECS. SHAKESPEARE. SCHILLER. WAGNER.


Reste le répertoire étranger. De très grands hommes, les plus grands de l’art dramatique : Sophocle, Shakespeare, Lope, Calderon, Schiller, ont été populaires, au moins dans certaines œuvres. Mais c’est un grand malheur que la différence des temps et des races. Malgré la majesté d’un Sophocle, malgré la sérénité mélancolique de l’art grec, malgré l’intolérance de ses admirateurs, j’ose dire que dans le succès récent d’Œdipe Roi, il entre beaucoup de dilettantisme érudit, beaucoup de respect superstitieux, surtout beaucoup d’admiration pour le prestige personnel d’un acteur de génie. Sans le nom de Sophocle, sans l’émotion puissante, mais presque toute plastique, du jeu de Mounet-Sully, sans l’impression matérielle d’une musique, d’ailleurs médiocre, ni le peuple, ni la bourgeoisie, n’eussent été capables de distinguer, parmi la foule des mélodrames passés, la sublime grandeur d’Œdipe Roi, et d’y trouver plaisir.

Encore, malgré la distance qui nous sépare des croyances morales et religieuses des Grecs, sommes-nous moins loin de Sophocle, que, — je ne dirai pas de Lope et de Calderon : leurs drames sanglants, leurs héros de proie, leurs gentilshommes assassins, ne seront pleinement acceptés chez nous que quand les

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