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L’ŒUVRE DES TRENTE ANS DE THÉÂTRE

Assurément toutes les représentations ne sont pas du type de celles de Trianon. Le spectacle du 18 février 1903 à la salle Huyghens, par exemple, où la Comédie française jouait le Malade imaginaire, était à des prix plus réduits, et la composition du public était différente. Il y avait aux petites places du vrai peuple, et beaucoup. Toutefois le plus grand nombre des places était occupé par la petite bourgeoisie. Et je veux bien que celle-ci ne soit pas moins intéressante que celui-là, comme l’assure M. Nozière.[1] Encore faudrait-il que ce public prétendu populaire ne fût pas exactement et uniquement le même que celui qui suivait déjà les représentations de l’Odéon et du Théâtre Français : autrement, où serait le progrès ? — Or, j’ai été très frappé par les conversations que j’entendais, à ces galas populaires. À la salle Huyghens, après le Malade imaginaire, on comparait le jeu de Coquelin, ce soir-là, à son jeu habituel, dans le même rôle, au Théâtre Français. À la salle Trianon, mes voisins étaient mieux renseignés encore : ils avaient vu Silvain dans ses différents rôles, et savaient depuis combien d’années Dehelly était à la Comédie française. Il est évident qu’il n’y aurait pas urgence à élever des théâtres du peuple, si le public en devait être composé de gens de cette espèce. — Notez qu’il ne s’agit pas des spectateurs des premiers rangs, mais de places moyennes.

    encombre d’œuvres prétentieuses et niaises : et ce sont précisément celles-là dont on fait choix pour le peuple ; ce sont des opéras de Meyerbeer, des opéras-comiques d’Adam, etc. c’est-à-dire des œuvres sans conscience, sans sincérité et sans style. Il y a de quoi tuer pour jamais l’esprit musical, déjà si faible, de notre peuple.

  1. Le Temps, 23 février 1903.
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