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le théâtre nouveau

avoir analysé le théâtre et la civilisation de son temps, avec l’impitoyable clairvoyance d’un Tolstoy, ne conclut pourtant pas contre le théâtre en général, et il envisage la possibilité d’une régénération de l’art dramatique, en lui donnant un caractère national et populaire, à l’exemple des Grecs :

Je ne vois qu’un remède,

dit-il,
Je ne vois qu’un remède, à tant d’inconvénients, c’est que nous composions nous-mêmes les drames de notre théâtre, et que nous ayons des auteurs avant des comédiens. Car il n’est pas bon qu’on nous montre toutes sortes d’imitations, mais seulement celles des choses honnêtes et qui conviennent à des hommes libres. Il est sûr que des pièces tirées, comme celles des Grecs, des malheurs passés de la patrie ou des défauts présents du peuple, pourraient offrir aux spectateurs des leçons utiles… Les spectacles des Grecs n’avaient rien de la mesquinerie de ceux d’aujourd’hui. Leurs théâtres n’étaient point élevés par l’intérêt et par l’avarice ; ils n’étaient point renfermés dans d’obscures prisons ; leurs acteurs n’avaient pas besoin de mettre à contribution les spectateurs, ni de compter du coin de l’œil les gens qu’ils voyaient passer la porte, pour être sûrs de leur souper. Ces graves et superbes spectacles, donnés sous le ciel, à la face de toute une nation, n’offraient de toutes parts que des combats, des victoires, des prix, des objets capables d’inspirer une ardente émulation et d’échauffer les cœurs de sentiments d’honneur et de gloire… Ces grands tableaux instruisaient le peuple sans cesse.

Rousseau avait une autre idée, bien plus originale et plus démocratique que ce Théâtre du Peuple : celle des Fêtes du Peuple. J’y reviendrai tout à l’heure.

À la même époque, le grand Diderot, le plus libre des génies du dix-huitième siècle, et le plus fécond peut-être, moins soucieux que Rousseau des fins éduca-

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