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LES PRÉCURSEURS

La Commission, dont l’énergique et intelligent Joseph Payan était l’âme, s’en acquitta vigoureusement. Elle publia le 5 messidor, — 23 juin 1794, — sous le titre Spectacles, une circulaire adressée aux directeurs et entrepreneurs de spectacles, autorités municipales, auteurs dramatiques, etc. Dans cet écrit, d’un style incorrect et déclamatoire, mais brûlant de vie et de généreuses ambitions, Payan déclarait la guerre, non seulement aux spéculations malpropres des auteurs et des directeurs, à l’immoralité scandaleuse et lucrative des théâtres, mais à l’esprit arriéré qui y régnait encore, à l’inertie et aux conventions serviles de l’art. « Les théâtres sont encore encombrés des débris du dernier régime, de faibles copies de nos grands maîtres, où l’art et le goût n’ont rien à gagner, d’intérêts qui ne nous regardent plus, de mœurs qui ne sont pas les nôtres. Il faut déblayer ce chaos… Il faut dégager la scène, afin que la raison y revienne parler le langage de la liberté, jeter des fleurs sur la tombe de ses martyrs, chanter l’héroïsme et la vertu, faire aimer les lois et la patrie. » La Commission faisait appel au concours de tous les hommes éclairés : artistes, directeurs, écrivains patriotes. « Calculez avec nous la force morale des spectacles. Il s’agit d’élever une école publique où le goût et la vertu soient également respectés. » Il ne s’agissait pas là, comme on a dit, de sacrifier l’art aux préoccupations politiques. Tout au contraire, Payan, au nom de la Commission, protesta avec mépris contre les mutilations infligées par les Hébertistes au texte de certaines pièces, et il en rétablit l’expression intégrale, disant que « les premières lois qu’il faut respecter dans un drame sont celles du goût et du bon sens ». La gran-

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