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144 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.

de l'opéra récitatif au dix-septième siècle : Loreto Vittori. Gréé par deux chanteurs (Péri et Gaccini), ce genre qui devait se fon- dre bientôt dans l'opéra à arie de Gavalli et de Scarlatti , trouva sa plus noble expression dans le talent d'un chanteur, le plus fa- meux du siècle.

Il ne faudrait pas se figurer Vittori sur le modèle des chan- teurs d'à présent. L'art du chant, qui toujours avait fait partie des talents de gentilhomme, était depuis cinquante ans devenu l'un des plus nobles d'Italie. Les célèbres écoles qui s'étaient formées après la naissance des soli, n'enseignaient pas seulement des recettes pour charmer l'oreille; une large part était faite à l'intelligence. Le devoir essentiel de l'art récitatif n'était-il pas d'exprimer les sentiments avec justesse? Il fallait donc les bien connaître. Aussi l'éducation du chanteur était-elle doublée de celle d'un poète dramatique. Dans la célèbre école de Virgilio Mazzocchi, qui date déjà d'une époque où l'air tend à détrôner la déclamation, deux heures par jour sont consacrées à l'étude des lettres (1) (le tiers du travail journalier). Aussi les élèves qui sortent de cet enseignement, sont aptes presque tous, non seulement à chanter, mais à écrire la musique; non seulement à l'écrire, mais à en parler; quelquefois — et c'est le cas de Vit- tori — ils sont aussi bons poètes que musiciens ; ils vont même, comme lui, jusqu'à écrire non plus même pour le théâtre de musique , mais pour le théâtre de comédie. Ils offrent en tout le caractère d'artistes de race , qui ont souvent sur les littérateurs mêmes la supériorité d'une éducation infiniment plus soignée.

Né à Spolète en 1588, le castrat Vittori Loreto (2) fut recueilli

(t) Voir Angelini Bontempi, Historia musicale. Perugia, 1695.

Voici quel était l'emploi du jour chez Mazzocchi : Le matin, on consa- crait une heure à chanter des difficultés; une heure à étudier les lettres; une heure à l'enseignement et à l'exercice du chant, devant un miroir, pour ne faire aucun mouvement désagréable du front, des yeux, de la bouche. — L'après-midi, on donnait une demi-heure à la théorie; une d «mi-heure au contrepoint sur le canto fermo ; une heure à la pratique et à la mise en œuvre de la leçon de contrepoint dans une composition; une heure à l'étude des lettres. — Le reste de la journée, on étudiait le clavicembalo; on s'exerçait à s'accompagner soi-même ; on composait quelque psaume, ou motet, ou canzonetta..., suivant son caractère. — Quelquefois on sortait pour faire résonner l'écho du Monte Mario, hors la porte Angélique, et juger de ses propres accents. On étudiait la manière des célèbres Chanteurs, et on en rendait compte au maitre..., etc.

(2) On trouvera des détails sur la vie de ce curieux personnage dans Ery- thraeus , son biographe , ap. Doni (Vittori est le seul des modernes à qui Doni fasse l'honneur de le nommer avec les maîtres anciens), et dans le livre

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