Page:Rolland Les origines du théâtre lyrique moderne.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LES ESSAIS DOPERA POPULAIRE EN ITALIE. 191

musique d'église, style récitatif, style tragique et comique. Dans toutes également, nous sentons le musicien de race, soucieux de la supériorité de son art, qui ne l'asservit pas à la poésie, et le laisse parler librement sans les préoccupations littéraires des Flo- rentins et des Romains. Une certaine rudesse, un reste d'ar- chaïsme, quelque sévérité de développement, règne à travers la grâce des airs de concert, la tranquillité religieuse des messes, la vie libre des drames, et les mène avec grandeur, comme une âme forte et austère parmi les actes joyeux ou indifférents de la vie.

Sans nous arrêter à la musique religieuse ou mondaine (qui n'est pas de notre sujet, et montre d'ailleurs moins bien l'origi- nalité du maître) (1), j'examinerai les deux curieuses partitions de la bibliothèque Sainte-Cécile.

La Slellidaura Vendicata (2) a un double intérêt. Le livret sur lequel Provenzale écrivit sa musique est du Sicilien A. Perrucci. L'ensemble est donc d'une étude intéressante pour le théâtre na- politain. Ce n'est plus ici le bon goût un peu froid d'un lettré, instruit par les souvenirs de l'antiquité. C'est une imagination bizarre et violente de barbare trop civilisé, un Shakespeare énervé et sans pensée, un mélange de raffinement et de sauvagerie. On y remarque surtout cette parfaite insouciance du bon goût qui nous choque encore aujourd'hui, nous autres Français, dans les productions contemporaines de l'Italie (les derniers opéras de Mascagni et de Verdi), et qui est peut-être une puissance, le cou- rage de dire ce que l'on pense sans crainte de l'ironie, sans cette fausse honte qui étouffe chez les races très cultivées tant de forces généreuses et de premiers mouvements.

La Slellidaura n'est pas une tragédie classique; c'est déjà un drame romantique. On y voit du Trouvère et du Roméo et Juliette. En voici l'analyse par curiosité :

Le prince Orismondo aime passionnément une jeune fille in- connue, élevée à la cour, Stellidaura. Elle n'a d'attentions que pour Armidoro , ami intime du prince. Orismondo les surprend

(1) Il faudrait au reste examiner de près les manuscrits do Naples. L'au- thenticité de certains morceaux religieux ou de certaines pages en est dou- teuse. C'est ainsi que le Pange lingua à 2 voix est probablement d'un con- temporain de Pergolèso, et quo la Missa dei defunti, d'un très beau style, très avancé, d'une pureté qui rappelle Mozart, n'offre pas des garanties certaines.

(2) Un livret de 1G85, dédié au vice-roi, donne les noms des acteurs. Mongitore la dit imprimée déjà en 1070.

�� �