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236 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.

y joignaient un projet de règlement, dont quelques articles feront sourire parce qu'on les croirait datés d'hier ; d'autres au con- traire ont un intérêt historique piquant, comme celui qui défend aux musiciens ou auditeurs, « s'il y avait querelle entre aucuns, de s'entredemander rien, ne de parole, ne de fait, à cent pas près de la maison de l'académie. » Mais nous remarquerons surtout le préambule si intelligent, où Baïf montre une conscience si claire de l'art que d'autres ont créé après lui, et sa définition de l'idéal musical, « qui est de représenter la parole en chant ac- comply de son harmonie et mélodie, qui consistent au choix, règle des voix, sons et accords bien accommodez pour faire l'effet selon que le sens de la lettre le requiert. »

Charles IX accueillit favorablement cette demande, accorda le 15 novembre 1570 le privilège requis, en des lettres patentes d'une noblesse singulière de sentiment et de style (1). En disci-

que pour quelque mérite de marque il eust privilège des entrepreneurs de ce faire.

» Les auditeurs, durant que l'on chantera, ne parleront ny ne s'acouste- ront ny feront bruit, mais se tiendront le plus coy qu'il leur sera possible, jusques à ce que la chanson qui se prononcera soit finie; et durant que se dira une chanson, ne (râperont à l'huis de la sale qu'on ouvrira à la fin de chaque chanson pour admettre les auditeurs attendans.

» ...Nul auditeur ne touchera, ne passera la barrière de la niche, ne autre que ceux de la musique ny entrera, ne maniera aucun livre ou instrument, mais se contenant au dehors de la niche, choyera tout ce qu'il verra estre pour le service ou l'honneur de l'académie, tant au livre qu'aux personnes d'icelle.

» S'il y avoit querelle entre aucuns de ceux de l'académie, tant musi- ciens qu'auditeurs, ne s' entredemanderont rien, ne de parole, ne de fait, à cent pas près de la maison où elle se tiendra.

» Il sera à la discrétion des entrepreneurs de recevoir et refuser tels que bon leur semblera, soit pour estre escrits au livre, soit pour estre admis aux auditoires, tant ordinaires que extraordinaires.

» Qui fera faute à quelqu'une des lois cy-dessus, soit musicien ou audi- teur, sera exclus de l'académie pour ne plus y entrer, sinon que ce fust du gré et consentement de ceux de l'académie , après avoir réparé la faute et perdre ce qu'il aura avancé pour l'entretien de l'académie.

» Ainsi signé : De Baïf et Thibault. »

Voir Du Boulay (Bulœus). Historia Universitatis parisiensis. Paris, 1665- 1673, 6 vol. in-fol. — Becq de Fouquières, Elude sur Baïf, 1874.

(1) « Charles par la Grâce de Dieu Roy de France. A tous presens et à venir, salut. Comme nous avons tousjours eu en singulière recommandation à l'exemple de très-bonne et louable mémoire, le roy François nostre ayeul, que Dieu absolve, de voir par tout celuy nostre royaume les lettres et la science florir, et mesmement en nostre ville de Paris, où il y a un grand nombre d'hommes qui y travaillent et s'y estudient chacun jour. Et que l'opinion de plusieurs grands personnages, tant législateurs que philosophes

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