Page:Rolland Les origines du théâtre lyrique moderne.djvu/254

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

240 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.

lyrique, faite pour être chantée. C'est à cette occasion qu'il com- posa ses vers mesurés, à la manière des Grecs et des Latins, et ses exquises chansonnettes, qui sont une musicfue à elles seu- les (1). L'œuvre était intéressante (2); mais cette petite Académie, précurseur de celle de Bardi (3), resta en route, découragée par l'inaptitude de la langue, et le manque d'un musicien qui sentît et exprimât le génie de la race. Elle s'éteignit vers 1584 (4). Mau- duit s'efforça en vain de la continuer, en conservant seulement la partie musicale (5).

Les guerres de religion entravèrent sans doute le développe-

��Ainsi l'on dit qu'Acille encor tout dégoûtant Du sang Dardanien, des vers alloyt chantant Et pincetoyt le Leut de sa dextre guerrière.

(N. de La Grotte.) Le livre se termine par un « Chant trionfal pour jouer sur la lire, sur l'in- signe victoire qu'il a pieu à Dieu donner à Monsieur frère du Roy, » par Ronsard : « Tel qu'un petit aigle fort, etc. » (Bibl. Nat., Rés. V m7 , 226.)

Les trois livres de Chansonnettes de Baïf en vers mesurés sont compris dans le manuscrit 19140 (anc. 1247 Saint-Germain) de la Bibl. Nat.

(1) Baïf voulait joindre aussi la danse à la musique et à la poésie, dans le genre des Grecs.

... vous contant l'entreprise D'un ballet que dressions dont la démarche est mise Selon que va marchant pas à pas la chanson Et le parler suivi d'une propre façon.

(Baïf, ai* Roi.)

(2) Ce n'était peut-être pas suivre le bon chemin, que vouloir créer une langue artificielle pour la mettre ensuite en musique italienne. Mieux valait chercher quelle musique française convenait à l'accent de la langue et aux caractères du génie français, tels que la nature les avait faits. Le Florentin Lully l'a bien senti. On ne crée rien contre l'esprit d'une race.

(3) Il faut toutefois noter que l'Académie de Baïf a un caractère plus des- potique, moins libéral, que celle de Bardi. « Les deux entrepreneurs do l'académie » sont des maîtres absolus. Les autres « sont obligez de les croire, pour ce qui sera de la musique, et ne pourront refuser de leur obeyr en cela. » C'est déjà le penchant de l'art français à la centralisation intel- lectuelle.

(4) Bientôt d'ailleurs, la musique et la poésie avaient dû laisser pénétrer dans l'Académie l'éloquence et la philosophie. Amadis Jamyn prononça ses discours philosophiques dans les réunions du faubourg Saint-Marceau (Colletet).

(5) « Mauduit, greffier des requêtes, la continua après la mort de Baïf et la transporta à la rue des Juifs, dans la maison où il logeait. Quelque temps après, il fit le projet d'une autre académie de musique, qu'il appelait con- frérie, société et académie royale de sainte Cécile, vierge et martyre » (Sauvai, Antiquités de Paris, II, p. 504, lib. IX).

�� �