Page:Rolland Les origines du théâtre lyrique moderne.djvu/290

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Kapsberger (1) osait se poser en réformateur de l’art passé (2), et réussissait à le remplacer à la Sixtine par ses plates musiques sur les poésies d’un pape Barberini.

Le mouvement s’accentua à la fin du siècle. Les tours de force vocaux, le règne de la virtuosité, les formules brillantes et creuses, le luxe extravagant de la mise en scène (3), envahirent la musique; le sérieux en disparut. Les rythmes s’appauvrissent; le récitatif se vide; les grandes scènes dramatiques sont étouffées par l’aria napolitain; l’orchestration se réduit à sa plus simple expression.

La poésie semble être devenue le langage de vieux nobles imbéciles, un bégaiement sénile, avec des restes de dignité. Elle mêle les façons pompeuses d’autrefois à un radotement d’idiots. Ce sont des apothéoses vides de sens, farcies de sentences à la Polonius, et de cocasseries à l’Offenbach , un spectacle dans le genre des féeries du Châtelet et de la Porte Saint-Martin.

Dans le Giasone, de Gicognini (un des plus célèbres opéras du siècle), une situation dramatique s’interrompt pour faire place à

��(1) Johannes Hieronymus Kapsberger, «nobilis Germanus, » glorieux dans son temps comme un Monteverde ou un Mozart, et soutenu dans l’histoire par l’admiration béate de son ami, Athanasius Kircher (Musurg., VII, 586), que son snobisme et ses façons charlatanesques avaient ébloui. Il était vir- tuose sur le théorbe, le luth, la guitare et la trompette, musicien à la mode et d’un goût détestable. Pietro délia Vaile parle de ses trilles, syncopes- trémolos, oppositions peu discrètes de piano et de forte (voir Doni, II, 254). Il a laissé une quantité de compositions profanes et religieuses, dont un grand nombre est à la Bibliothèque Barberini de Rome.

(2) « Musicen jampridem impudicis suit ludicris modis fraclam tantae poeseos gravitate extollere conatus sum, ut jucundâ quàdam severitate incnrtos desipientis vulgi plausus aspernata graviorum principum aures teneret, ne- que tam saepe ex Antistitum cubiculis exturbaretur, tanquam ancilla libidinis et obstetrix vitiorum. » (Dédicace des Missarum Urbanarum, lib. I, 1631, et des Poésies latines d’Urbain VIII (Maffio Barberini), mises en style récitatif.)

(3) La mise en scène du Paride de Bontempi à Dresde (1662) coûte 300,000 thalers; celle de Pomo d’Oro de Cesti à Vienne (1666), 100,000 thalers.

Certaines pièces ne sont que des défilés pompeux. L’Apothéose de saint Ignace de Loyola et François Xavier, par Kapsberger, est un de ces triomphes jésuites, tels qu’en produit la peinture de l’époque. Les cinq actes sont remplis par des processions de nations, avec des costumes, des animaux, des objets exotiques.

Dans une pièce on voit Alcibiade arriver en voiture élégante, précédée de coureurs et de cavaliers. Dans une autre, une mine prend feu au siège de Persépolis et fait sauter la moitié de la ville.

La plus étrange do ces représentations est la Bérénice de Freschi (1680).